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La plus ancienne herse de France

Nous sommes à l’intérieur du château, face à la herse qui est descendue. A travers ses barreaux, on aperçoit le boulevard et la circulation routière. L’ouverture que la herse ferme est en forme d’arc brisé. A l’avant de cette herse, plus proche de nous, on peut voir une rainure qui marque l’emplacement d’une deuxième herse. Le sol est pavé. La maçonnerie de l’ensemble de cette zone du château est réalisé dans une pierre claire.

Elle garde le château d'Angers depuis des siècles : découvrez un monument de l’archéologie !

Une grille en bois qui a plus de 600 ans !

Record battu !

Une herse est une grande grille qui ferme l’entrée des châteaux. Au Moyen Âge, les herses sont en bois, recouvertes parfois de cuir ou de mottes de gazon pour éviter les incendies. La porte des champs était l’entrée principale du château au Moyen Âge. Cette herse est aujourd’hui un de ses éléments défensifs les plus visibles.

Mais en plus de l’entrée du château, cette grille gardait jalousement un secret, caché dans le cœur de sa matière... 

C’est la dendrochronologie qui révéla cette information en 2011... Et quelle information !  Les archéologues ont pu établir que les chênes utilisés pour la fabrication de la herse ont été abattus entre 1373 et 1384

C’est un record ! Aucune autre herse datée à ce jour dans un château en France n’est aussi ancienne que celle du château d’Angers.

Découvrir la Porte des champs

Nous sommes tout près de la herse et pouvons voir précisément sa matière, un bois grisé par le temps. La herse est en fait une grille en bois constituée de traverses horizontales et verticales qui s’emboîtent les unes dans les autres et forment un quadrillage.
Détail de la herse de la porte des champs.

© Emma Fonteneau / Domaine national du château d’Angers

Dendrochro...quoi ? 

La dendrochronologie (du grec dendron “arbre”, chronos “temps” et logos “étude”) est une technique scientifique utilisée depuis les années 1970 et qui permet aux archéologues de dater les pièces de bois. Après avoir prélevé des échantillons, ils étudient les cernes de croissance du bois. Ces anneaux concentriques que l’on peut observer quand on coupe un tronc sont la preuve de la croissance de l’arbre. L’aspect de ces cernes est différent en fonction du climat de chaque année. Ce sont ces variations climatiques annuelles que l’on compare ensuite à un calendrier de référence et qui permettent de savoir quand l’arbre a vécu.

Découvrir les méthodes de datation des archéologues.

Sur cette image qui présente la coupe d’un tronc, on aperçoit distinctement les cernes concentriques de croissance du bois. La largeur varie d’un cerne à l’autre.
Détail d’une coupe d’un tronc

Un objet archéologique rare...

Comment cette herse nous est-elle parvenue ?

S’il est très rare de pouvoir admirer de vraies herses du Moyen Âge, c’est tout simplement parce qu’elles ont pour vocation à être... détruites ! A chaque attaque, la herse est brisée et il faut la remplacer. Mais alors ? Si cette herse est en place depuis si longtemps...  

Eh oui ! Le château n’a jamais été attaqué de son histoire ! Les seuls qui prirent la forteresse furent les Huguenots au XVIe siècle pendant les guerres de Religion. Et ils entrèrent apparemment sans rencontrer de résistance…

Au XIXe siècle, avec la création des grands boulevards, la porte des champs est définitivement abandonnée au profit de la porte de Ville qui devient l’entrée unique du château. La herse est alors remontée et l’entrée est murée, ce qui la protège durant de nombreuses années. Il faut attendre 1948 et l’ouverture du monument à la visite pour qu’elle soit à nouveau descendue et admirée de tous

Découvrir l'histoire du monument

Sur cette photo en noir et blanc, les deux grandes tours de part et d’autre de la Porte des champs, vue depuis l’extérieur sont visibles, mais la herse est invisible, cachée derrière un mur maçonné.
Vue de la porte des champs murée

© Dépôt de la Société française d'archéologie, Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photographie, diffusion RMN-GP

Et comment ça marche ?

Coulissant à la verticale, les herses se lèvent et s'abaissent, souvent en lien avec un pont-levis. La herse de la porte des champs s’actionnait probablement grâce à un système de poulies et de contrepoids qui a aujourd’hui totalement disparu.  

Envie d’en voir une en fonctionnement ? Direction la galerie de l’Apocalypse !

Sur cette tapisserie gigantesque, on peut observer de nombreuses villes fortifiées du Moyen Âge, et donc des herses qui en ferment l’entrée ! Parfois levées, parfois abaissées, faites de bois avec des sabots de métal pour renforcer leurs pointes, elles sont en tout point semblables à celle de la porte des champs. Un heureux hasard ? Pas tout à fait...  

C’est à Louis Ier d’Anjou que l’on doit notre précieuse herse : en pleine guerre de Cent Ans, il entame des travaux de rénovation de la forteresse. Collectionneur de tapisseries, il se trouve qu’il commande aussi dans les mêmes années... la réalisation de l’Apocalypse ! 

Découvrir la tapisserie de l'Apocalypse : l'essentiel en 2 minutes

a gauche : Sur cette image, un cheval sort d’une ville fortifiée. La porte par laquelle il passe est équipée d’une herse, relevée; A droite : Sur cette image, un cheval sort d’une ville fortifiée. La porte par laquelle il passe est équipée d’une herse, relevée
A gauche : Tapisserie de l’Apocalypse. Détail. Scène dite “Satan assiège la ville” ; A droite : Tapisserie de l’Apocalypse. Détail. Scène dite “La cuve déborde”

© Antoine Ruais / Centre des monuments nationaux

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