Incontournable
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En Anjou, impossible de passer à côté du “bon” roi René. Mais connaissez-vous vraiment l'histoire de ce roi “sans couronne” ?
Le roi René est un personnage historique présent dans de nombreuses régions de France : en Lorraine, en Provence, et en Anjou bien sûr, où il naît en 1409 !
Il est le fils de Yolande d’Aragon et du duc Louis II d’Anjou. Arrière-petit-fils du roi Jean II Le Bon, il fait partie de la famille des rois de France. Compagnon supposé de Jeanne d’Arc, il est très proche du dauphin Charles VII auprès de qui il est élevé et dont il deviendra le beau-frère.
En Anjou, René est duc. Mais ce n’est pas le seul territoire qu’il possède : il est aussi comte de Provence, duc de Bar et de Lorraine.
Il hérite également des royaumes de Naples et de Sicile et du titre de roi de Jérusalem. Sa fille Marguerite deviendra quant à elle reine d’Angleterre.
René est au XVe siècle un personnage au cœur de l’histoire politique de l’Europe !
Ce que dit de lui Shakespeare dans sa pièce Henry VI n’est en fait pas très loin de la vérité...
Malgré ses nombreux titres et territoires, René peine à exercer son pouvoir. En Italie, le roi Alphonse V d’Aragon lui conteste ses possessions : ces campagnes incessantes finiront par le ruiner.
Même en Anjou, son “règne” se solde par un échec : sans descendance légitime, René doit céder le duché à son neveu le roi de France Louis XI, comme le veut la tradition de l'apanage . Il est obligé de quitter l’Anjou en 1471 pour son comté de Provence où il meurt en 1480.
Il faudra toute l’ingéniosité de sa seconde épouse Jeanne de Laval pour exfiltrer René au nez et à la barbe des Provençaux, et ramener son cœur et son corps à Angers, selon ses dernières volontés.
L’Histoire retient surtout aujourd’hui de René son amour pour les arts.
Auteur d'un traité sur les tournois et de romans, le dernier duc d’Anjou est en effet un prince lettré et un collectionneur. Il possède de nombreux livres, des objets scientifiques ou venus d’Orient, une grande ménagerie princière...
Ce goût connu pour les arts a parfois été l’objet de caricatures. Un historien du XVIIe siècle décrira ainsi René comme plus affairé à peindre une perdrix qu'à écouter ses conseillers qui lui rapportent la prise de Naples...
En vérité, René ne s’adonne pas à de telles activités artistiques lui-même. Comme cela est répandu dans les grandes cours princières de cette époque, et même si on ne parle pas encore de “mécénat”, il commande des œuvres d’art et fait travailler des artistes.
À Angers, au cœur même de ses appartements privés du logis royal, il accueille ainsi le peintre Barthelemy d'Eyck.
Au sein du château, René fait construire le châtelet et le logis royal, deux édifices représentatifs du raffinement du style gothique flamboyant.
Autour d’Angers, il lance la mode des manoirs de campagne et fonde le couvent de la Baumette qui témoigne de sa piété et de son attachement à la protection des ordres mendiants.
René est aussi un amateur de botanique. Dans ce territoire d’innovation horticole qu’est aujourd’hui l’Anjou il fait figure de pionnier du végétal : il y a acclimaté des essences comme le micocoulier, la rose de Provins, l’abricotier, le muscat...
Cette figure, là encore souvent exagérée, de “roi jardinier” sera par la suite largement utilisée par les historiens pour glorifier René.
En Anjou et en Provence, où l’on s’est disputé la dépouille du roi défunt, la mort de René est synonyme de perte du statut de principauté, et donc de prestige.
Au château, la mort de ce prince marque la fin de la cour angevine : après René, le site ne servira plus que de prison ou de garnison. De quoi nourrir un sentiment de nostalgie ! 50 ans après sa mort, l’historien Jean de Bourdigné décrit ainsi René comme “un amoureux de paix et de concorde” que pleurent encore les “povres Angevins”.
Raillée ou célébrée, la mémoire de ce personnage sera alors réactivée au gré des alternances politiques. Sous la Restauration , on glorifie par exemple les anciennes figures monarchiques victimes de l'iconoclasme révolutionnaire : la destruction du mausolée de René en 1794 dans la cathédrale d'Angers avait marqué les Angevins.
Malgré les réserves de certains historiens de l’époque qui jugent sévèrement le duc d’Anjou, le XIXe siècle installe définitivement la figure du "bon roi René".
En 1845, on réédite les œuvres complètes du souverain. Les bénéfices sont utilisés pour financer un projet de statue. Le sculpteur David d'Angers, Républicain célèbre qui nourrit paradoxalement une passion pour ce roi, fait partie des artistes sollicités. La statue est inaugurée à Angers en 1853.
Elle est toujours aujourd’hui une des images emblématiques de la ville et un repère spatial pour les habitants. Le René jeune et fier qui trône au pied du château arbore une coupe de cheveux au carré, totalement anachronique, empruntée à la mode du temps de Saint Louis (XIIIe siècle).
Comme l'expression le "bon roi René", elle illustre parfaitement ce Moyen Âge fantasmé que le Romantisme du XIXe siècle a popularisé.
Avez-vous déjà entendu cette expression ? C'est le surnom donné parfois au château d'Angers. Pourtant, l’histoire de la construction de ce dernier est loin de se résumer au seul XVe siècle.
Les six siècles qui nous séparent de René ont en fait contribué grandement à sa légende, participant à faire aujourd'hui de lui LE personnage emblématique de l'Anjou.