Château d'Angers

Le trésor de tapisseries de la cathédrale Saint-Julien du Mans rassemble plus de trente pièces, tentures ou pièces isolées, de la fin du XVe au XVIIIe siècle, et présentant des sujets variés.
Les trois tentures de chœur des Vies de saint Julien, des saints Gervais et Protais, et des Apôtres et docteurs de l’Eglise constituent les joyaux de cette collection. Leur commande par les chanoines Baudouin de Crépy et Martin Guérande au début du XVIe siècle s’inscrit dans une période faste pour le mobilier de la cathédrale, sous l’émulation du cardinal Philippe de Luxembourg. Evêque de 1477 à 1519, il contribue à l’embellissement de la cathédrale par la réalisation d’une horloge astronomique et d’un nouveau jubé – détruits – et du grand orgue de tribune, un des plus beaux de France. Quelques fragments de l’horloge astronomique subsistent de nos jours. Elle est visible sur la scène du baptême des saints Gervais et Protais.
La tenture de la Vie de saint Julien, attribuée à Gauthier de Campes, semble suivre le récit compilé au XIe siècle par le moine Léthalde. Né dans une noble famille romaine, Julien, nommé évêque, est envoyé prêcher l’évangile par le pape Clément avec ses compagnons Thuribe et Pavace. À l’approche du Mans, il fait jaillir une fontaine en enfonçant son bâton dans le sol. Ce miracle attire des curieux qui viennent écouter Julien prêcher ; le Defensor, le gouverneur de la ville, interpellé, le fait chercher. À l’entrée du palais, Julien guérit un aveugle. Il est reçu par le Defensor, averti du miracle, et ce dernier se convertit avec sa famille. Julien fonde l’église du Mans et accomplit encore plusieurs miracles ; il fait à nouveau recouvrer la vue à un aveugle, ressuscite le fils d’Anastase, dignitaire païen, obtenant sa conversion, et guérit le fils du seigneur de Pruillé. Julien s’éteint à Saint-Marceau. Conduit par le Defensor, le cortège qui ramène son corps au Mans est bloqué par une rivière impraticable, mais les chevaux parviennent miraculeusement à franchir le gué. Saint Julien est enseveli dans la ville.
Le registre des décès de la cathédrale du Mans consigne le don, le 19 janvier 1518, par le chanoine Baudouin de Crépy d’une tenture d’une valeur de 60.000 livres, consacrée à la vie de saint Julien. Dispersée à la Révolution, la tenture est partiellement rassemblée dans la seconde moitié du XIXe siècle et fait alors l’objet de restaurations. Des pièces sont conservées dans des collections privées ou publiques : Saint Julien ressuscite un enfant est au musée du Louvre ; le Passage du gué a été repéré en vente et acheté par l’État en 2017 pour rejoindre le trésor de la cathédrale.
Les historiens du XIXe siècle ont émis l’hypothèse de l’existence de deux tentures réalisées à partir des mêmes cartons, qui auraient été mélangées. L’une serait le don de Baudouin de Crépy, l’autre aurait été offerte par les magistrats de la ville, dont les armes sont représentées dans les deux grandes pièces.
© Isabelle Guégan / DRAC Pays-de-la-Loire
Saint Julien est envoyé par le pape Clément dans le Maine ; Le miracle de la Fontaine, première pièce de la tenture de la Vie de saint Julien, début XVIe siècle, conservée à la cathédrale du Mans.
© Isabelle Guégan / DRAC Pays-de-la-Loire
La prédication de saint Julien ; La guérison d’un aveugle par Saint Julien devant le palais du Defensor, seconde pièce de la tenture de la Vie de saint Julien, début XVIe siècle, conservée à la cathédrale du Mans
© Isabelle Guégan / DRAC Pays-de-la-Loire
Le passage du gué, sixième fragment de la tenture de la Vie de saint Julien, début XVIe siècle, inv. F, conservé à la cathédrale du Mans
© Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Fuzeau
La résurrection d’un enfant par saint Julien, cinquième fragment de la tenture de la Vie de saint Julien, début XVIe siècle, inv. OA8272, conservé au Musée du Louvre
Jusqu’en 1158, la cathédrale du Mans est dédiée aux saints Gervais et Protais. Les reliques de ces frères milanais auraient été offertes à la cathédrale par saint Martin de Tours, qui les tenait lui-même de saint Ambroise, leur inventeur (découvreur) à Milan.
Cette tenture, attribuée à Gauthier de Campes, est de très grande dimension. Elle est offerte en 1509 par le chanoine Martin Guérande, secrétaire du cardinal de Luxembourg, d’après une inscription tissée sur la dernière pièce.
La tenture narre l’histoire et le martyre de deux saints jumeaux, Gervais et Protais, enfants des saints Vital et Valérie, dont les supplices ouvrent la tenture. Après leur baptême, les deux frères accomplissent plusieurs miracles, dont la guérison d’une possédée. Des soldats de Néron viennent les chercher alors qu’ils construisent une chapelle, et les conduisent devant l’empereur. Ils sont emprisonnés et reçoivent la visite d’un ange. Remis au prévôt de Milan, ils sont suppliciés et inhumés.
Leurs reliques sont amenées au Mans où elles sont vénérées par le donateur Martin Guérande présenté par saint Martin.
La tenture de la Vie des saints Gervais et Protais se présentait probablement à l’origine en deux pans, un par côté du chœur ; elle a été divisée en cinq parties au cours de son histoire. Elle devait comporter vingt scènes dont deux ont disparu à une date inconnue. Une troisième, représentant Saint Paul indiquant à saint Ambroise l’emplacement des reliques, a été volée en 1858. Au milieu du XIXe siècle la tenture est « dans le plus pitoyable état » et fait l’objet d’une restauration lors de laquelle on change l’ordre des scènes.
© Albert de Boer / DRAC Pays-de-la-Loire
Les saints Gervais et Protais, détail de la scène de La délivrance et le baptême d’une possédée, deuxième pièce de la tenture de la Vie des saints Gervais et Protais, début XVIe siècle, inv. 23, conservée à la cathédrale du Mans
© Albert de Boer / DRAC Pays-de-la-Loire
Le baptême des saints Gervais et Protais, détail de la deuxième pièce de la tenture de la Vie des saints Gervais et Protais, début XVIe siècle, inv. 23, conservée à la cathédrale du Mans.
Comme souvent au Moyen Âge, des réalités spatiales et temporelles s’entremêlent : le baptême des saints à Milan se déroule dans un chœur évoquant celui de la cathédrale du Mans où sont visibles l’orgue et l’horloge astronomique commandés par le cardinal de Luxembourg.
© Albert de Boer / DRAC Pays-de-la-Loire
Le donateur Martin Guérande présenté par saint Martin, dernière scène de la cinquième pièce de la tenture de la Vie des saints Gervais et Protais, début XVIe siècle, inv. 26, conservée à la cathédrale du Mans
La représentation du commanditaire, bien que très fréquente au Moyen Âge et au début de la Renaissance, est rarement conservée dans les tentures aujourd’hui incomplètes. Le reliquaire tissé du faisait écho au véritable objet, physiquement présent, jusqu’à sa destruction au XVIe siècle, dans le chœur de la cathédrale du Mans.